Frères et sœurs,
Au début de ce carême, entendons l'Eglise, notre mère, reprendre les paroles de saint Paul aux Corinthiens : « Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c'est Dieu lui-même qui lance un appel : nous vous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (2 Co 5,20) Comment pouvons-nous nous laisser réconcilier avec Dieu ? Jésus lui-même nous l'enseigne dans l'évangile proclamé ce jour : l'aumône, la prière et le jeûne. Ces trois axes, Jésus nous invite à les vivre comme une attitude intérieure qui doit transfigurer notre vie extérieure. Ils ne sont pas un poids qui vient peser sur nos épaules. Ils sont un chemin qui nous ouvre à la joie car ils sont le dynamisme même de la réconciliation voulue par Dieu.
L'invitation à la prière, au jeûne et au partage nous est proposée pour avancer sur ce chemin de plus grande authenticité humaine. Ce n'est pas un hasard si Jésus demande à ses disciples de vivre ces dimensions à l'insu du regard des autres et sans doute aussi à l'insu de notre propre regard. C'est pour faire en sorte que la dimension intérieure de notre être prenne plus de place et de consistance.
Sur cet itinéraire spirituel, nous ne sommes pas seuls, car l'Église nous accompagne et nous soutient dès ce premier jour à la lumière de la Parole de Dieu qui contient un programme de vie spirituelle et d'engagement pénitentiel. Les paroles de l'Apôtre Paul nous offrent une consigne précise : « Nous vous invitons à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu … Le voici le moment favorable, le voici le jour du Salut … »
Si les cendres, qui vont être répandues sur notre front dans quelques instants, manifestent la tristesse qui envahit notre cœur par notre péché, elles sont aussi le signe de l'espérance. Elles marquent notre désir de conversion, d'un changement profond de notre cœur, de notre vie. C'est ainsi que les paroles du prophète Joël sont un formidable cri d'espérance : « Revenez à moi de tout votre cœur » (Joël 2,12). Lorsqu'on crie à quelqu'un « reviens », il y a toujours un ton de supplication, c'est-à-dire le ton de la personne qui est attachée à celui qui part et qui le supplie de revenir à elle. C'est un véritable cri d'amour que Dieu exprime à travers la bouche du prophète. Si Dieu me semble loin, ce n'est pas parce qu'il s'est éloigné de moi mais parce que mon péché m'a éloigné de Lui !
Que ce Carême nous donne, à tous et à chacun, de renaître de nos cendres et de vivre du feu de Dieu ! Amen
Père Thomas Mesidor 17 02 2021
HOMELIE DU 1ER DIMANCHE DE CARËME B
21 février 2021
Genèse(9,8-15 ) ;1Pierre (3,18-22) ; Marc (1,12-15)
« En ce temps là, Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert et, dans ce désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. »
Chaque fois que je lis ce texte de Saint Marc, tous les trois ans, j'ai l'impression d'avoir sauté une page
En effet, notre mémoire collective retient un récit des tentations de Jésus beaucoup plus coloré, à l'instar des noces de Cana, de la résurrection de Lazare ou de la multiplication des pains.
Dans les évangiles de Matthieu et de Luc le démon est montré, comme on le redoute, rusé, provocateur, agressif.
« Si tu es le fils de Dieu, ordonne à ces pierres de devenir du pain »
« Si tu te prosternes devant moi, tu auras tous les royaumes de la terre »
« Si tu es le fils de Dieu jette toi en bas de ce temple »
Pourquoi cette discrétion chez Saint Marc ?
Marc a été le premier des quatre évangélistes, à recueillir des témoignages de la vie de Jésus, à les mettre en formes pour témoigner et éduquer les peuples. L'Evangile de Marc est court, il se lit en moins d'une heure, il va à l'essentiel : Jésus est le fils de Dieu. Sans perdre sa condition divine, il a vécu pleinement sa vie d'homme. Il est mort. Il est ressuscité. Il est le Sauveur du Monde.
Jésus est maintenant baptisé. Les cieux se sont ouverts, signe de la présence divine dont la voix annonce : « Tu es mon fils bien-aimé, en toi j'ai mis tout mon amour » Il est adulte. Sa mission chez les hommes peut commencer. Mais chez les hommes, il ya danger. La liberté qui leur est donnée se paie d'efforts pour résister aux tentations du monde.
L'esprit de Dieu pousse alors Jésus au désert. Probablement, pour le mettre à l'épreuve, comme on met les jeunes soldats à l'épreuve du feu avant de monter au front.
Le désert est, certes, le lieu de la méditation où se sont rendus les prophètes Elie et Jean-Baptiste, où se rendront par la suite, Saint Antoine et les pères du désert, mais c'est aussi un lieu de solitude, où le silence même est agressif, où les organismes, affaiblis par la faim et la soif, sont à la merci des tentations du monde.
Jésus y vivra pendant quarante jours au milieu des bêtes sauvages. Il triomphera de toutes les tentations grâce à Dieu et à « ses anges qui le servaient. »
Il vivra l'itinéraire spirituel du peuple de Dieu, quarante ans à travers le désert, la mer rouge, les dix plaies d'Egypte, le veau d'or, etc.
Le carême commence. Le carême, temps de conversion, de prières et de partage pour vivre pleinement cette fête du renouveau : la Résurrection du Christ
Pour les catéchumènes des premiers siècles, ce sont quarante jours pour se préparer au baptême à Pâques.
Pour les pénitents, c'est la dernière étape de conversion avant de réintégrer la communauté dont ils avaient été exclus.
Que sera notre désert ?
Nous avons quarante jours pour regarder dans le rétroviseur, faire que, dans notre futur, naisse un autre « nous », pour nous convertir, retrouver le chemin que le Christ nous a tracé.
Oh ! ne nous berçons pas d'illusions ! Nous devrons nous contenter de petits pas.
Dans la mesure de nos moyens, avec nos charismes, ce sera le temps de modifier notre comportement pour participer à la construction du Règne de Dieu : « Les temps sont accomplis » dit Jésus.
« N'attendez pas le jugement dernier, dit Albert Camus, il a lieu tous les jours »
Pour être concret, je me risque à citer quelques attitudes du quotidien :
– Veiller à ce que nos relations avec nos semblables soient franches, sans arrières pensées.
– Veiller à ce que notre rapport à l'argent se limite au nécessaire.
– Etre assidus aux rassemblements dominicaux, là, on y rencontre le Christ mais aussi nos frères.
– Revoir notre comportement vis-à-vis de la nature qui est création de Dieu ; particulièrement pendant cette année « Laudato Si » voulue par le pape François.
– Faire un effort spécial pendant cette période de Pandémie, pour nous informer sérieusement et vivre cette épreuve dans l'Espérance.
Le carême n'est pas seulement un temps de petites privations pour nous préparer à Pâques,
c'est aussi le prolongement de l'Alliance que Dieu a faite avec Noé : quarante jours à travers l'eau,
renouvelée avec Moïse, 40 ans dans le désert, confirmée par Jésus-Christ, quarante jours au désert, à l'épreuve du Mal.
Par excellence le carême est le renouvellement de notre Alliance avec Dieu : notre BAPTÊME.
Saint Pierre nous le rappelle dans la deuxième lecture :« Le baptême ne purifie pas de souillures extérieures mais il est l'engagement envers Dieu d'une conscience droite. »
« Les temps sont accomplis, Convertissez vous et croyez à l'Evangile »
Bon carême. Amen
Bernard Buisson , diacre
– Le carême espace-temps : 40 jours pour nous préparer aux fêtes de Pâques, à la victoire du Christ sur le péché et la mort par sa résurrection. Un peu plus de cinq semaines c'est tout à la fois long et donne l'illusion d'avoir du temps, mais c'est aussi très court même sur l'espace d'une vie.
Les semaines s'égrènent très vite et l'on passe sans s'en apercevoir des Cendres aux Rameaux.
Ne perdons pas ce temps précieux.
– Le carême espace géographique : Le désert, celui des tentations où le Christ, poussé par l'Esprit a vaincu le diable par la force de la Parole qu'il incarne, où il a porté nos combats et pris sur lui nos péchés. Le désert préfiguration du paradis perdu restauré où le Christ vainqueur vit parmi les bêtes sauvages en harmonie avec la création originelle. Il peut alors nous annoncer que le Royaume de Dieu est proche dans le temps et l'espace. Trouvons le chemin de nos déserts.
– Le carême espace de rencontre : où nous nous retrouvons face à Dieu en vérité, dans le silence de la prière et de l'adoration, dans la solitude intérieure de nos déserts que le Seigneur vient habiter.
40 jours pour apprendre à faire silence en nous, si difficile dans le brouhaha de la vie, pour résister aux tentations de ce monde et nous laisser pénétrer par la Parole de Dieu.
Laissons-nous convertir par la Parole.
– Le carême espace de conversion et de réconciliation : pour lutter contre toutes nos tentations de pouvoir, d'avoir, de domination… pour prendre conscience de notre péché face auquel nous sommes impuissants tout seuls et nous en remettre à la miséricorde infinie du Père toujours là pour nous relever. Laissons la Parole nous réconcilier avec Dieu, nous mettre en vérité devant Lui.
–Le carême espace de l'Amour infini : Amour miséricordieux du Père, Amour salvifique du Fils, Amour souffle dynamique de l'Esprit.
Entrons avec foi et joie dans tous ces espaces pour vivre intensément notre carême.
Père Jean-Hugues Malraison
HOMELIE DU IIe DIMANCHE DE CAREME / ANNEE B (Père Basile)
En ce deuxième dimanche de Carême, la liturgie nous propose de gravir deux montagnes pour nous préparer au mystère pascal de Jésus : la montagne où Abraham offre à Dieu son fils unique en sacrifice et celle où Dieu offre son Fils transfiguré au monde. Par la mention de la mort des fils, ces deux épisodes nous indiquent le chemin de la résurrection, de la Vie.
Dans le récit de la Genèse, il semble que Dieu exige de la part de l'homme quelque chose d'impossible, voire d'inhumain ! Comment un Dieu d'amour et de miséricorde peut-il demander le sacrifice d'un fils ? N'est-ce pas une incohérence de sa part que de demander la mort du fils de la promesse ? De quoi est-il réellement question dans ce texte ? Abraham ne sacrifiera pas son fils, car l'Ange du Seigneur ne le lui permettra pas. Cet Ange, c'est le Seigneur lui-même, c'est le Dieu de l'Alliance et de la vie… Dieu n'est pas comparable aux fausses divinités qui exigent la mort du fils, il est le Seigneur de la promesse. Le vrai culte rendu à Dieu, c'est une célébration de la vie et des promesses d'avenir que Dieu nous fait. C'est parce que nous sommes ainsi promis non pas à la mort, mais à la vie que, pleins d'espérance, nous chantons aujourd'hui avec le psalmiste : « Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants » (Ps 115).
Jésus transfiguré entouré des plus grands représentants de l'Histoire sainte, les témoins par excellence de l'Alliance que Dieu a promise à son peuple, est le fils offert sur la seconde montagne. La Transfiguration de Jésus sur le mont Thabor en présence de Pierre, Jacques et Jean, marque un tournant décisif dans le mystère de la Rédemption. La Passion en ligne de mire, cette manifestation du Christ préfigure sa Résurrection. Ses souffrances et sa mort ne mettront pas un point final à sa mission mais révéleront sa divinité. En définitive, l'Amour va triompher de la mort. Et ce sera à ses disciples d'en témoigner ! Pour les trois disciples témoins de la Transfiguration, Jésus a voulu faire le lien entre sa gloire et sa souffrance. Le message était clair : Jésus leur dévoile une petite lueur de sa divinité. Car malgré tout ce qui va Lui arriver, Il est toujours le Messie, l'Envoyé du Père. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le » (Mc 9, 7).
Pour chacun de nous, le chemin de foi n'est jamais linéaire. Il y a toujours des hauts et des bas suivant les événements de la vie ! Il est facile d'avoir la foi lorsque tout va bien dans notre famille, au travail et que nous sommes en bonne santé. C'est plus difficile lorsque nous traversons une période de crise et d'incertitude. Jésus nous invite à ne pas nous laisser arrêter par les épreuves, à aborder avec courage le chemin escarpé et difficile pour aller à sa rencontre.
Quand nous avons envie de rester en haut, de nous installer et de planter notre tente comme Pierre émerveillé, Jésus nous invite à redescendre, à nous replonger dans la réalité de la vie et à l'affronter avec courage. Cette réalité est le lieu de notre témoignage, de la manifestation de notre foi, de l'attestation de l'amour du Christ dont la résurrection aura le dernier mot sur la mort, car Lui qui est venu pour nous donner la vie, et la vie en abondance, nous veut vivants.
En ce temps de Carême, notre montagne de la Transfiguration est celle de cette victoire de la vie sur la mort ; elle est le signe de l'espérance qui nous habite et dont nous devons témoigner en prenant parti pour le Dieu de la vie, et cela, en luttant contre toutes les forces mortifères comme la haine, la discorde, la malveillance, etc. ; bref, tout ce qui ne favorise pas la vie. Les disciples l'ont fait après la résurrection, il convient que nous le fassions dans notre vie de tous les jours dans la fidélité à l'écoute et à l'obéissance aux paroles du Fils bien-aimé du Père.
Merci au Diacre Thierry Merle, qui nous partage son homélie de ce dimanche à Anjou.
L’homélie de la Samaritaine a été choisie pour accompagner la démarche vers le baptême de deux catéchumènes.
Que notre prière accompagne Sandra et Lola.
Evangile de la Samaritaine
Dans l'évangile de ce jour, Jésus ne vient pas en marchant sur l'eau, il ne parle pas à une immense foule de 5000 personnes, il ne participe pas non plus à une fête où il va changer l'eau en vin. Non. Aujourd'hui, Jésus se met dans un comportement humain des plus simples : il fait chaud, il a soif, il voit une femme et il va lui demander à boire…
Il a donc besoin de cette femme pour qu'elle lui donne de l'eau, et c'est lui qui le premier se fait demandeur, c'est lui le fils de Dieu qui se met à son niveau, qui vient s'asseoir sur la margelle. Les disciples lui reprocheront bien cette attitude, parler à une femme qu'il ne connaît pas, qui plus est une samaritaine… Car pour redonner l'espoir à cette Samaritaine au puits de Jacob, Jésus transgresse tous les tabous : le tabou racial, le tabou sexuel et le tabou religieux. Mais Jésus est un homme libre. Il ne croit pas aux blocages définitifs, ni aux étiquettes blessantes, ni aux rancœurs ancestrales ; mais il sait redonner l'espoir à ceux et celles qui sont abattus par les difficultés de la vie : «Venez à moi vous tous qui souffrez et qui ployez sous le poids du fardeau et moi je vous soulagerai.» nous dira t-il un peu plus loin dans l'évangile.
Et Jésus va écouter cette femme ; il est attentif à ce qu'elle vit, à ce qu'elle est, à son histoire, à ses blessures… et à ses soifs. Il sait quelles sont ses soifs. Il connait son cœur, et il va être respectueux, pédagogue, et partant de ses désirs, il va lui permettre de découvrir des désirs encore plus grands, des désirs qui ne lui paraissaient même pas accessibles…
C'est maintenant la Samaritaine qui est demandeuse « Seigneur donne la moi cette eau ». C'est maintenant elle qui a soif, à travers cette conversation devant le puits, à travers ces paroles bienveillantes, où la femme découvre une autre soif beaucoup plus profonde. Oui, Jésus creuse un puits dans cette nouvelle créature, un puits qui devient source d'eau vive et de fécondité. Il lui révèle qu'elle vaut beaucoup plus que la somme de tous ses échecs.
Reconnaissant le Christ, le cœur de cette femme est sauvé. Dans sa vie superficielle, desséchée par une existence trop terre à terre, une source d'eau vive a jailli. Elle n’a plus que faire de ce puits et de sa cruche. Elle court communiquer ce qu’elle vient de découvrir, Celui qu'elle vient de découvrir. Cette Samaritaine qui a cherché son bonheur et sa vérité dans ses amours passagers, et qui n’a connu que des échecs, est consumée d'une autre soif que le Christ lui permet d'étancher. Elle n'aura donc plus jamais «soif» car la source d'eau vive est en elle et elle sait maintenant qu'elle est aimée de Dieu.
Et nous, que sommes-nous venus chercher ou demander dans cette église aujourd'hui ? Nous savons que nos demandes les plus fortes dépassent un verre d'eau pour passer une soif passagère. Nous sommes là, avec nos demandes les plus profondes, pour ceux que nous aimons, pour nous-mêmes peut être aussi. Comme vous Lola et Sandra qui venez chercher le baptême, puissions-nous remplir notre cœur de ce Dieu qui vient nous dire son amour, qui vient constamment nous dire, comme à la Samaritaine, que nous sommes beaucoup plus grands que tous nos échecs cumulés.
Mais Dieu nous laisse libre. Libre de répondre ; libre de le suivre. Dans la table de la Loi que nous avons entendu en première lecture, Dieu commence par nous donner la liberté « Je suis ton Dieu qui t'as donné la liberté » Un telle confiance en l'homme ne sera-t-elle jamais atteinte dans nos sociétés ?
Thierry Merle Diacre 07 03 2021
« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle » Jn 3, 14-15
Pour comprendre cette comparaison faite par Jésus il nous faut d'abord regarder le peuple Hébreu dans la traversée du désert.
Depuis l'aube de l'humanité l'homme est marqué par le péché, individuel ou collectif, qui le détourne de l'Amour de Dieu.
« Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient dénoncées » Jn 3, 20
Nous en voyons un exemple dans la 1ère lecture, à Jérusalem au temps du roi Sédécias, où le peuple et les prêtres se livrent à l'idolâtrie.
« Sous le règne de Sédécias, tous les chefs des prêtres et le peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les abominations des nations païennes, et ils profanaient la Maison que le SEIGNEUR avait consacrée à Jérusalem. » 2 Chr 36, 14
En remontant de quelques siècles, le peuple Hébreu suivait Moïse qui les avait fait sortir de l'exil en Egypte. La traversée du désert durera 40 ans, le temps de purifier le peuple pour qu'il abandonne les divinités égyptiennes et revienne à Dieu.
Les 40 jours du carême que nous vivons actuellement, sont aussi pour nous ce temps de purification, de retour à l'essentiel, la Parole et l'Amour de Dieu.
Dans le désert du Sinaï les Hébreux ont été confrontés à plusieurs difficultés qui les ont amené à récriminer contre Moïse et son Dieu.
La faim, Dieu y pourvoit par la manne, la soif, Dieu permet à Moïse de faire jaillir une source, et l'épisode où ils étaient assaillis par des serpents venimeux qui fait mourir beaucoup d'hommes.
Comme ils n'ont pas la conscience tranquille, les Hébreux sont convaincus que c'est une punition que Dieu leur envoie. Ils se tournent alors vers le prophète :
« Nous avons péché en critiquant le SEIGNEUR et en te critiquant ; intercède auprès du SEIGNEUR pour qu'il éloigne de nous les serpents ! » La réponse de Dieu à Moïse paraît surprenante .
« Fais faire un serpent brûlant en airin et fixe-le à une hampe : quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve. » Nb 21, 7-9
En fait il s'agit d'une croyance païenne répandue dans le peuple, mais dont l'efficacité semble discutable.
(Notons que c'est sans doute de cette coutume qu'est né le caducée, emblème des médecins qui apportent la guérison.)
Moïse fit un serpent d'airain et le fixa à une hampe ; et lorsqu'un serpent mordait un homme, celui-ci regardait le serpent d'airain et il avait la vie sauve.
A première vue, cela semble relever de la magie, pourtant Dieu va se servir de cette coutume pour convertir le peuple et transformer ce qui était jusqu'ici un acte magique en acte de foi.
Moïse ne va pas brusquer pas le peuple en s'opposant et lui dit de faire comme ils ont l'habitude de faire, mais de ne pas se tromper de dieu : il n'existe qu'un seul Dieu, celui qui les a libérés d'Egypte. « Faites-vous un serpent, et regardez-le. Croyez cependant que celui qui vous guérit, c'est le Seigneur, ce n'est pas le serpent. » Ainsi en levant les yeux vers le ciel, vers le serpent élevé sur le bois c'est vers Dieu qu'ils regardent, lui seul pouvant les guérir et les sauver.
Dans le passage de l'Evangile de Jean entendu ce matin Jésus reprend cet exemple à son propre compte.
« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle » Jn 3, 14-15
De la même manière qu'il suffisait de lever les yeux avec foi vers le Dieu de l'Alliance pour être guéri physiquement, désormais, il suffit de lever les yeux avec foi vers le Christ en croix pour obtenir la guérison spirituelle.
Lever les yeux et regarder la croix c'est croire en Jésus sauveur qui apporte le salut à tous les pécheurs par sa mort et sa résurrection. C'est reconnaître en Lui l'amour infini de Dieu. C'est écouter sa Parole et la mettre en pratique.
Lever les yeux vers la croix veut dire croire en Jésus sauveur, reconnaître en lui l'amour même de Dieu.
Face à la proposition d'amour de Dieu, notre réponse peut être celle de l'accueil, la foi mais aussi le refus car nous sommes libres.
« Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ » nous dit St Paul dans la 2è lecture Ep 2, 4-5
« Car Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » Jn 3, 16-17
Désormais, en Jésus, c'est tout homme, c'est le monde entier, qui est invité à croire pour vivre et accueillir le salut.
Alors chaque fois que nous sentons en nous la morsure mortelle du péché puissions nous lever les yeux vers le Seigneur, vers le Christ rédempteur élevé sur le bois de la croix.
« Tout homme qui croit en lui obtiendra la vie éternelle »
Père Jean-Hugues Malraison
4è dimanche de carême.
HOMELIE DU 21 MARS 2021 5ème dimanche de carême B
Jérémie 31,31-34 ; Hébreux 5,7-9 ; Jean 12,20-33
« Au commencement était le verbe. Et le verbe s’est fait chair » Jean 1,1.14
Dès le début de son Evangile, l’évangéliste Jean précise sa pensée. C’est de la chair, c.à.d. de l’homme dans sa fragilité dont il va parler. Et c’est dans cet homme que Dieu se donne à voir.
Ainsi nous lisons dons son Evangile, non pas une chronique de la vie de Jésus, (que ferons Matthieu, Marc et Luc) mais des scènes fortes de cette vie d’homme de Jésus qui est Dieu : les noces de Cana, la samaritaine, la multiplication des pains, la marche sur les eaux, la résurrection de Lazare.
Dans le récit que nous venons d’entendre, Jésus est un homme connu, un certain nombre de prodiges lui valent la réputation de prophète, ne vient—t'il pas de ressusciter Lazare. ?
Au milieu de la foule qui se rend à Jérusalem pour la Pâque, il est acclamé comme celui qui va libérer le peuple juif de l‘occupant. Il entre donc triomphalement à Jérusalem. On étend des manteaux sous ses pieds, on agite des palmes (c’est notre fête des Rameaux).
Parmi la foule il y a aussi des grecs, qui ne sont pas grecs, mais étrangers, ce sont des païens sympathisants du judaïsme qui n’ont cependant pas franchi le pas de la circoncision.
Ces étrangers veulent voir Jésus. Traduit dans notre langage actuel, cela signifie qu‘ils veulent croire en Jésus, le suivre, devenir disciples.
Comme étrangers, ils ont besoin d’interprètes, ils feront appel à Philippe et André, habitants comme eux, de Galilée terre étrangère, cosmopolite et païenne.
Bien sûr, ces étrangers ne sont pas nommés par hasard. Ils attestent que la mission de Jésus est de rassembler juifs et païens en un seul peuple.
« C‘est lui, le Christ qui est notre paix, des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine ». (Ep 2,14)
La réponse de Jésus, interpelé par Philippe et André, surprend ses interlocuteurs.
« L’heure est venue pour le fils de l’Homme, d’être glorifié »
L’heure est venue : cette formule souvent utilisée par Jean, signifie qu’un moment important de l’histoire du salut est arrivé. En l’occurrence, ici, le moment est venu pour Jésus d‘entrer dans sa passion.
L’heure est venue pour le fils de l’homme d’être glorifié : Ici la gloire n’est pas la célébrité humaine aléatoire et fugace, c’est pour Jésus le moment d’entrer dans la vie éternelle en passant par la mort et la résurrection.
Mais comment ses interlocuteurs pourraient-ils comprendre que Jésus annonce sa mort ? Le Messie, le fils de Dieu ne peut pas mourir. « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les peuples païens » (1 Co 1,23)
Alors, comme souvent, pour se faire comprendre, Jésus prend un exemple dans la vie ordinaire (encore cette vie des hommes chère à St Jean)
Le grain de blé. II n‘est pas nécessaire d‘être diplômé d‘agronomie pour savoir qu‘il doit disparaître en terre pour donner une belle tige portant un épi généreux. S’il reste bien au sec dans le grenier il ne portera pas de grains. C‘est sa mort qui sera génératrice de vie.
Chacun peut comprendre maintenant que Jésus doit mourir, non pas pour se sauver, pour s‘évader de sa condition d‘homme, mais pour sauver la multitude c.à.d. l‘humanité entière. Car il ne s‘agit pas tant de mourir pour vivre que mourir et porter du fruit.
Ce passage est souvent utilisé pour les funérailles. C’est un moyen simple de faire comprendre qu‘à la suite du Christ, la mort si elle est un passage obligé n’est pas la fin de tout mais le début d’une vie nouvelle et éternelle dans la plénitude de l’amour de Dieu. La mort n’est pas une punition, elle est au contraire notre récompense, un tremplin vers la vie éternelle.
En disant cela, me revient à l‘esprit cette citation d‘A. de Saint Exupéry dans Citadelle. II disait à la mort de son père : « Je compris ce jour-là que ce n‘était pas un cadavre qu‘on ensevelissait, mais une provision qu’on engrangeait. »
Cependant cette récompense n‘entraîne pas à la passivité. Puisque nous sommes rachetés par le Christ, sauvés par le Christ, cela ne signifie pas que nous pouvons attendre, les bras croisés, la mort libératrice.
« Celui qui aime sa vie la perd, celui qui s‘en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle »
Comme le Christ, à son exemple, nous sommes invités à participer au salut, en donnant nous aussi notre vie.
Donner sa vie, ce n‘est pas se donner la mort. Donner sa vie, c‘est donner de sa vie, c.à.d. de son temps, de ses compétences pour faire exister l‘autre. Donc, donner sa vie, c‘est aimer. Nous avons reçu la vie en cadeau, il est somme toute logique, que nous donnions un peu de notre vie en cadeau ; c‘est la condition pour que d‘autres vivent.
Nous n‘aurons jamais fini d‘aimer à plein temps. Nous ne pourrons jamais égaler le Christ qui a fait le don parfait de sa vie. Mais nous ne devons pas pour autant nous culpabiliser jusqu‘à la paralysie. Tous et chacun nous donnons de notre vie que ce soit comme parents, éducateurs, bénévoles etc.
Imparfaitement bien sûr, mais avec nos moyens, avec nos limites, avec notre souci du lendemain.
Mère Térésa disait : « Nous ne serons pas jugés sur ce que nous avons fait mais sur l’amour que nous avons mis à le faire. »
Peut-être en ce temps de carême pouvons-nous faire le don d’un peu plus de notre vie, avec encore plus d’attention, encore un peu plus d’amour.
Ainsi Dieu sera glorifié car : La Gloire de Dieu c’est l’homme vivant. Et nous serons, nous aussi, glorifiés : car la gloire de l‘homme c’est de voir Dieu. (Saint Irénée)
Bernard Buisson 21 Mars 2021